Voici un passage du célèbre ouvrage « Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi » de Michel Odoul, qui donne à mon sens une bonne métaphore du type de relation/communication qui existe entre le non-conscient et le conscient, entre le corps et le mental :
Avec ce qu’il avait qualifié d’acte « manqué », Freud nous a donné un élément extraordinairement riche de la psychologie individuelle et des interactions corps-esprit. Il disait que par nos lapsus, nos gestes maladroits et accidentels, nous exprimions, libérions des tensions intérieures que nous n’avions pas pu ou su libérer autrement. Ainsi, lorsque nous faisons un lapsus, celui-ci est censé exprimer en fait notre pensée réelle.
Ce qui m’a toujours surpris, c’est qu’il ait qualifié ces actes de «manqués». Ils sont de ce fait automatiquement perçus, ressentis comme une faute, quelque chose qui n’est pas adapté et qui doit être évité (du moins pour la plupart des individus). Cela est dommage car nous allons chercher, dans la mesure du possible, à empêcher qu’ils se produisent, notamment en mettant en place une censure intérieure plus efficace. Je préfère l’appeler un acte «réussi», même si le résultat tangible n’est pas celui attendu par le Conscient de la personne. Car cet acte est la manifestation réelle d’une tentative de communication de notre Non-Conscient vers notre Conscient. Il s’agit d’un message, parfois codé, par lequel notre Non-Conscient exprime une tension intérieure ; il signifie à notre Conscient que les choses ne sont pas cohérentes, que ça ne cadre pas. C’est le Maitre ou Guide Intérieur qui vient tirer les rênes que tient le Cocher endormi, en espérant que la secousse produite passage dans un trou ou sur une bosse va réveiller ce dernier.
L’acte «réussi» peut prendre, comme les messages dont je parlais précédemment et dont il fait partie, trois formes. Il peut s’agir d’un lapsus linguae, c’est à dire d’une erreur d’expression verbale (employer un mot à la place d’un autre), d’un geste «maladroit» (renverser une tasse sur quelqu’un ou casser un objet), geste qui ne produit pas le résultat escompte et, enfin, d’un acte plus traumatisant comme une coupure, une entorse ou un accident de voiture. […]
Cet énoncé nous permet de comprendre pourquoi Freud a parlé d’acte «manqué», puisque celui-ci prend toujours une forme en apparence négative. La raison en est fort simple, Notre Non-Conscient se comporte comme un enfant. Lorsqu’un enfant trouve que ses parents ne s’occupent pas suffisamment de lui, ne l’écoutent pas assez, il fait ce qu’il faut pour que cela change. Dans le berceau, il pleure, il hurle, et ça marche, c’est donc que le système est bon. Plus tard, il fera la même chose en cassant une assiette, en ayant de mauvais résultats à l’école ou même en battant sa petite sœur ou son petit frère. Et nous agissons comme les parents. Nous sommes trop occupés pour nous rendre compte des besoins de notre enfant intérieur. Alors, nous ne réagissons que lorsque l’appel devient gênant, c’est-à-dire négatif. Nous n’avons rien su capter avant.
Il en est exactement de même entre notre Conscient et notre Non-Conscient. Ce dernier nous envoie bien des messages «positifs», […] comme les rêves, mais bien souvent nous ne sommes pas capables ou prêts à les entendre. Le Non-Conscient, le Maitre ou Guide Intérieur, passe alors au second stade qui est celui des messages à caractère «négatif», c’est-à-dire présentant un désagrément, afin que nous écoutions et entendions. Si la communication existe encore, qu’elle n’a pas été coupée par une hypertrophie du Conscient, le message passera par des tensions physiques ou psychologiques, des cauchemars, ou par des actes «manqués » légers (lapsus, bris d’objets significatifs, etc.). Si la communication est de plus mauvaise qualité, voire quasi inexistante, la force du message va devoir augmenter (quand la ligne est mauvaise au téléphone, nous devons parfois hurler pour être entendu par notre correspondant). Nous allons entrer dans la phase accidentelle ou conflictuelle pour provoquer et obtenir les traumatismes […]. Nous pouvons aussi faire en sorte de tomber… malade (prendre froid, boire ou manger en excès ou en insuffisance, etc.). Si, enfin, la communication est entièrement coupée, c’est alors la maladie profonde, structurelle (maladies auto-immunes, cancers, etc.).
Michel Odoul